Nuit légitime publié dans Mots'Art 2003

Mes textes  Nuit légitime

     Le sommeil n'est pas seulement un droit, mais une nécessité pour tout le monde,

(même s'il se passe avec un illégitime).

     Après un petit câlin… piquant, (depuis le mariage, Monsieur ne se rase plus le soir, mais uniquement le matin), Madame trouve son oreiller bien douillet sous ses joues irritées. Elle relirait bien son livre de chevet "Les jupes culottes" de Françoise Dorin. Mais lui, a l'air fatigué, mieux vaut qu'elle se couche aussi de suite, elle lira quelques pages demain.

      Monsieur doit être préoccupé, il se tourne, se retourne... ça promet ! Non, Ouf ! On

dirait qu'il dort, sa respiration est régulière, en moins d'une demie heure, quelle chance !

Madame aussi mériterait bien son repos, elle passe sa journée en revue, se tourne plusieurs     fois, fait le vide dans son  esprit. Mince ! Pipi. Il ne faudrait plus boire de tisane le soir,...

Fermer les yeux, ça passera... Non, ça devient une obsession. Bon, elle se lève, dans le noir,

pour ne pas l'éveiller.

     Deux minutes d'absence ont suffi à Monsieur pour prendre ses aises.

     Les pieds glacés, elle se recouche sur le peu de place qui lui reste. Pour l'heure, elle apprécie cette bouillotte vivante, et dans un geste instinctif, il l'attire dans ses bras protecteurs.

Pendant cinq minutes cette affection la rend paisible, mais Morphée est pointilleux.

     Le visage si près du sien est caressé par son souffle frais, mélangé à une haleine qui l'est

beaucoup moins. Doucement elle se dégage et glisse sa tête sur la poitrine velue qui lui chatouille le nez, (le torse lisse de Schwarzenegger lui traverse l'esprit). Mais là, le boum boum cardiaque résonne dans son oreille. C'est attendrissant, mais comme le tic tac d'un réveil, à la longue, ça devient énervant. Patience... si un jour ce coeur ne battait plus, ce serait l’apocalypse. En attendant elle aimerait bien dormir !

     A chaque respiration, son ventre chaud se colle et se recolle contre ce corps bouillant.

Lentement, elle se dégage un peu, mais le drap, suivant ce rythme incessant, lui chatouille

le dos. Elle commence à transpirer, ne trouve toujours pas le sommeil. Elle lirait bien un

chapitre, mais lire veut dire allumer, au risque de le réveiller, l'entendre grincher, trépigner.

Mieux vaut attendre, elle finira bien par sombrer. Tient, il ronfle maintenant.

     Voilà plus de deux heures qu'elle est couchée, et n'a encore pas fermé l’oeil.

Quand elle y arrivera enfin, sûr, un cauchemar réveillera Monsieur ; Alors il tournera,

tapera son oreiller, se lèvera, s'excusera de l'avoir réveillée, avant de replonger, seul.

     A moins qu'il aie autant d'égards pour elle, qu'elle vient d'en avoir pour lui ;

Mais ça veut dire qu'il ne se rendormira plus avant le petit matin, et qu'il se lèvera en bougonnant, lessivé, à prendre avec des pincettes. Pourquoi Eve a cueilli une pomme

au lieu d'une boite de Valium ?

    Ah ... et si je faisais chambre à part…

    Tient voilà "notre rejeton " ...

     -Maman… bon, c'est peine perdue !

                                                                                                Florence Gaudel Chapon.